Cohésion d’équipe à l’hôpital : les leçons d’un ancien commando
Réunis sur le campus d’UniLaSalle, les hôpitaux du GHT Oise Ouest Vexin ont tenu, le 9 octobre 2025, un séminaire managérial placé sous le thème « Faire équipe ». L’invité principal, Damien Lecouvey (ancien chef de section des forces spéciales, explorateur), a partagé des pratiques de gestion de crise et de cohésion transposables au milieu hospitalier
Même finalité, contextes différents : protéger des vies
Dans les deux univers, la finalité est claire : sauver des vies. Les forces spéciales articulent leurs actions autour d’une mission, d’un groupe, puis de l’individu ; dans l’hôpital, l’ordre des priorités est comparable : mission de soin → équipe → professionnels. « L’individu est au service du groupe, le groupe au service de la mission », rappelle Damien Lecouvey.
Cette logique aide à trancher vite quand l’information manque (ex. aux Urgences/SMUR/SAMU), et à coordonner des métiers différents autour d’un même patient.

Anticiper l’imprévisible : scénarios, procédures… et « 10ᵉ homme »
Les forces spéciales planifient les pannes (perte radio, matériel indisponible, météo), scriptent les « cas non conformes » et institutionnalisent la contradiction : le 10ᵉ homme met le plan à l’épreuve pour éviter l’unanimisme. À l’hôpital, c’est l’esprit des programmes de gestion des risques et de la simulation en santé (HAS) : entraîner les équipes sur des scénarios rares mais graves (choc anaphylactique, afflux massif, rupture capacitaire), puis ajuster les procédures. « Institutionnaliser la remise en question fait partie du process à 100 % », insiste D. Lecouvey. Ces pratiques dialoguent avec les cadres nationaux (Plan blanc, plan de gestion des tensions hospitalières), en fixant qui décide, qui alerte, et quand escalader.
« Le 10ᵉ homme existe pour tester la solidité du plan. » — Damien Lecouvey,

Briefing/débriefing : concision, faits, capitalisation
Un briefing utile est court et clair : objectif, répartition des rôles, risques anticipés, dynamique d’équipe. Un débriefing robuste est équilibré : points qui ont marché, points à améliorer, décisions de suivi. « Si vous ne mettez l’accent que sur ce qui ne va pas, vous perdez l’équipe », souligne l’intervenant. Cette boucle d’amélioration continue rejoint les RETEX hospitaliers et les réunions de qualité–sécurité (HAS), et s’applique des Urgences à la Réanimation, jusqu’au SAMU/SMUR du territoire. r+2ch-beauvais.fr+2
« Finir sur du positif, c’est ce que les équipes retiennent — et ce qui fait progresser. » — D. Lecouvey, 09/10/2025.

Un code couleur du stress
La décision en crise se prend avec information incomplète. Damien Lecouvey décrit un code simple : blanc (aucune vigilance, il ne faut pas être dans ce stade, c’est pas exemple sous l’emprise de drogue); vert (serein, au repos, sommeil, au calme), jaune (vigilance), orange (stress maîtrisé), rouge (menace aiguë), noir (sidération, paralysé par le stress). L’entraînement et des techniques brèves (ex. respiration carrée * 5–5–5–5) permettent de rester en orange, donc lucide.
*La respiration carrée 5–5–5–5 consiste à inspirer, retenir, expirer et retenir à nouveau l’air pendant 5 secondes chacun, afin d’apaiser le stress, réguler le rythme cardiaque et favoriser la concentration.
Transposé à l’hôpital : s’entraîner en conditions proches du réel (scénarios, check-lists), afin que le jour J, la charge mentale soit consacrée au vraiment inédit (patient instable, complication rare) et non aux basiques. C’est précisément l’objet des démarches de simulation en santé recommandées par la HAS.
« Plus vous entraînez l’équipe, plus elle reste en orange et réagit mieux. » — D. Lecouvey, 09/10/2025

Leadership tournant : l’expertise qui mène, pas le grade
Dans les forces spéciales, la conduite d’une séquence revient au plus expérimenté de cette séquence (infiltration, transmissions, extraction), pas forcément au plus gradé. « Ce n’est pas toujours le plus gradé qui décide, c’est celui qui a fait le plus sur le sujet », explique D. Lecouvey. Le leadership adaptatif apparaît lors d’un plan interne ou d’un Plan blanc : le référent le plus compétent (réa, régulation 15, bloc) prend la main sur sa brique, dans un cadre décisionnel partagé et temporellement borné. Les plans ministériels le décrivent : mobilisation interne puis Plan blanc si nécessaire.
« Briser l’unanimité dangereuse : “Si tout le monde pense pareil, alors quelqu’un ne pense plus.” » — adage cité et commenté par D. Lecouvey

Confiance & parrainage : accélérer l’intégration sans perdre la sécurité
« Dans une équipe, je préférerai toujours quelqu’un qui s’intègre et partage la dynamique collective plutôt qu’un profil très performant mais isolé », explique Damien Lecouvey. Car la compétence se développe, la cohésion, elle, se choisit et se cultive. Dans les forces spéciales, les membres sélectionnent leur équipe ; à l’hôpital, cette liberté n’existe pas toujours. Pourtant, le principe reste valable : il est possible de faire monter le groupe en compétence si chacun s’inscrit dans un cadre de confiance et d’apprentissage mutuel.
C’est tout le sens du parrainage, qui associe un nouvel arrivant à un professionnel expérimenté : pour décoder la culture, sécuriser les pratiques et éviter l’isolement. « Mon parrain n’a rien gardé pour lui ; tout était au service du groupe », souligne l’intervenant.

« Nos armes ne sont pas les mêmes, mais notre combat se ressemble », résume en filigrane l’intervention de Damien Lecouvey. Là où les soldats s’entraînent à gérer la crise, les soignants la vivent, la préviennent, la réparent. Et comme dans les unités d’élite, la performance collective ne naît pas du grade, mais de la confiance partagée.
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